Le mot de l’agence de la biomédecine

L’interview

Emmanuelle Cortot-Boucher,
Directrice Générale de l’Agence de la biomédecine.
Emmanuelle Cortot-Boucher
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C’est grâce à la mobilisation collective de l’ensemble des acteurs de la greffe et du prélèvement que l’impact de l’épidémie sur l’activité a pu être limité. Les équipes ont fait preuve d’une détermination et d’un engagement remarquables.

1. Vous avez pris les rênes de l’Agence de la biomédecine il y a un peu plus d’un an, quel bilan tirez-vous de cette année si particulière ?

L’année a été particulière pour une prise de fonctions ! La crise m’a permis de faire très vite connaissance avec les équipes pour répondre rapidement aux problématiques aigues qu’elle posait. Le contact sur le terrain avec les professionnels du prélèvement et de la greffe d’organes, et en particulier les coordinations hospitalières, m’a en revanche vraiment manqué. Je ressens aujourd’hui le besoin d’échanger avec eux pour mieux comprendre comment ils travaillent. L’Association Française des Coordinations Hospitalières prévoit de se retrouver cette année. J’espère vraiment que cette rencontre pourra avoir lieu.

L’épidémie a eu un impact important sur l’activité, avec des disparités selon les organes. Elle a fait courir des risques nouveaux aux receveurs, exposés au virus. Elle a aussi créé des tensions sur le système hospitalier rendant plus difficile la prise en charge des donneurs potentiels et des personnes en attente d’une transplantation. Pour en tenir compte, nous avons dû suspendre l’activité de greffe rénale à compter de mars, et ce pendant 2 mois. En revanche, grâce à la mobilisation des coordinations hospitalières, nous avons réussi à maintenir une activité constante de greffes d’organes vitaux : cœur, foie et poumon. Lors de la seconde vague, nous avions des éléments permettant de penser que le virus ne créait pas de risque supplémentaire chez les personnes venant de subir une transplantation : cela nous a permis de recommander de ne pas différer les opérations qui pouvaient l’être et de continuer les prélèvements et les greffes pour tous les organes.

2. Comment avez-vous réussi à accompagner l’ensemble des acteurs et avec quels moyens ?

Grâce à la mobilisation collective de l’ensemble des acteurs de la greffe et du prélèvement, l’impact de l’épidémie sur l’activité a pu être limité. Les équipes ont fait preuve d’une détermination et d’un engagement remarquables. Elles ont pu compter sur l’appui des services régionaux de l’Agence de la biomédecine, présents sur le terrain pour les épauler. Nous les avons également soutenus en diffusant deux séries de recommandations orientant les modalités d’organisation des activités de prélèvement et de greffe d’organes en contexte épidémique.

La première, entre mars et mai, a fait le distinguo entre les organes vitaux et non vitaux. Le parti-pris a été différent en octobre-novembre. Les moyens préconisés étaient d’abord de préserver les filières covid négatives pour le prélèvement et la greffe en veillant à ce que les personnels et les moyens affectés aux coordinations soient bien dirigés.

Le deuxième axe a été d’inciter les équipes à anticiper la situation dans laquelle elles ne seraient plus en capacité de conserver une filière covid négative. Nous avons encouragé les établissements, si un tel cas devait se produire, à organiser des transferts de patients vers d’autres établissements pouvant les accueillir. En pratique, cela n’a pas été véritablement nécessaire. Mais des initiatives intéressantes se sont déployées, notamment en Ile-de-France, avec une concertation entre tous les acteurs.

Nous avons même été aidés au plus haut niveau par le ministre des Solidarités et de la Santé qui a eu l’occasion de rappeler publiquement que la greffe est une activité de soins prioritaire, y compris en contexte de déprogrammation. Ce message a été largement entendu puisqu’en octobre 2020, l’activité a été pratiquement comparable à ce qu’elle était en octobre 2019. L’Agence s’est également efforcée de maintenir les liens avec les coordinations hospitalières par d’autres canaux, notamment en réinventant les formations. Les 2 sessions habituellement organisées dans le cadre de la Semaine de formation des coordinations hospitalières de prélèvement, qui devaient avoir lieu à Bordeaux, ont été annulées. En quelques semaines, l’Agence de la biomédecine a créé une session de formation virtuelle, aussi riche et animée que peut l’être cette formation en présentiel.

3. Quels chiffres marquants retiennent particulièrement votre attention sur 2020 ?

C’est surtout le chiffre de la baisse d’activité : -25% de greffes sur 2020 par rapport à 2019, tous organes confondus, que l’on retient. Mais celui qui me frappe le plus, à titre personnel, est le -13% de greffes cardiaques. C’est peu, compte-tenu du contexte, et ce chiffre montre bien que, pour les greffes vitales, la mobilisation des professionnels a été au rendez-vous. Je note aussi ce chiffre de -17% pour les greffes hépatiques qui souligne que le caractère prioritaire des opérations de transplantation a été pris en compte. Ces 2 chiffres n’occultent pas la baisse de -29% pour l’activité rénale qui, elle, a été davantage pénalisée.

4. Quel rôle ont joué les coordinations et quel message souhaitez-vous leur adresser pour cette nouvelle année ?

Je veux les remercier pour leur mobilisation remarquable, pour leur courage et leur détermination qui ont permis de maintenir l’activité de prélèvement d’organes sur tout le territoire.

Les attentes en matière de prélèvement et transplantation étaient déjà très fortes avant la crise. Elles le sont aujourd’hui encore davantage. La mobilisation doit se poursuivre avec des axes de progression multiples pour répondre aux besoins des patients en attente de greffe. J’ai toute confiance dans les coordinations hospitalières de prélèvement pour accompagner ces évolutions nécessaires.

L’un de ces axes est d’augmenter le nombre de greffons disponibles, principal facteur limitant de la transplantation dans notre pays. Les coordinations ont un rôle clé à jouer en la matière. Une palette d’outils sont disponibles et nous continuerons de mobiliser plusieurs leviers, dont le déploiement du protocole Maastricht III qui donne de bons résultats. Nous allons aussi tenter de mieux comprendre le niveau du taux d’opposition en essayant d’identifier ses déterminants. Il nous faudra également travailler à l’utilisation des machines de perfusion qui permettront de réhabiliter certains greffons non utilisables. L’organisation des réseaux de prélèvement, enfin, sera revue dans les régions où il existe des marges d’amélioration, comme l’Ile-de-France.

L’autre grand axe pour développer la transplantation consiste à développer le don du vivant qui est encore à un niveau trop faible. Un chantier fondamental !

5. Quels sont vos grands objectifs pour 2021 et qu’envisagez-vous en termes de don du vivant et de plans stratégiques ?

Le plan stratégique pour le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus 2017-2021 arrive à échéance à la fin de l’année 2021. Il nous faudra, au cours de l’année, élaborer un nouveau plan pour définir notre ambition pour les 5 années à venir. C’est un chantier passionnant, mais difficile, car la filière a été durement touchée. J’y vois l’occasion de prendre un nouveau départ pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Ce nouveau plan devra être élaboré en concertation avec tous les acteurs concernés : les associations de patients, les professionnels de santé, les sociétés savantes, et bien sûr le ministère des Solidarités et de la Santé qui sera en première ligne. Un moment charnière dans lequel les coordinations auront un rôle clé à jouer.

Le don du vivant, thérapeutique très efficace, est un autre chantier qui s’intègre dans le cadre de la préparation de ce plan. La greffe à partir de donneur vivant reste insuffisamment développée dans notre pays. Pour progresser, l’Agence mènera une enquête auprès des équipes pour comprendre les freins à son développement et fera également un état des lieux des pratiques existantes. Nous envisageons aussi d’interroger les équipes européennes qui ont développé cette activité à un haut niveau. L’objectif est de nous inspirer des organisations et parcours de soins mis en place et d’échanger pour définir la meilleure stratégie de développement. Enfin, un volet communication est envisagé, avec une stratégie renouvelée pour parler différemment de ce sujet et toucher les publics qui n’auraient pas eu l’occasion d’entendre nos campagnes ou messages.

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