la parole aux coordinations

Grille de debriefing de l’entretien avec les proches : un outil pour harmoniser et améliorer les pratiques professionnelles des coordinations hospitalières

La loi de santé 2016 a fait de l’inscription au registre national automatisé le principal moyen d’expression du refus au prélèvement d’organes sur personne décédée. L’arrêté du 16 août 2016, entré en vigueur le 1er janvier 2017, définit les règles de bonnes pratiques relatives à l’entretien avec les proches en matière de prélèvements d’organes. Ces règles de bonnes pratiques, et c’est la nouveauté introduite par la loi qui somme toute demeure inchangée, ont été co-rédigées avec l'Agence de la biomédecine et intègrent la grille de débriefing de l’entretien avec les proches. Cette grille décrit chacune des étapes du processus de prélèvement d’organes et de tissus, tout en tenant compte de la réalité du terrain.

Explications de Sylvie Cazalot, Cadre infirmier, Cadre animateur de réseau, Direction du Prélèvement et de la Greffe Organes-Tissus, Agence de la biomédecine.

Un accompagnement fort et vertueux

L’entretien avec les proches est un acte de soins à part entière, renforcé par des principes éthiques. Il ne s’improvise pas : en effet, il se prépare et se construit en binôme (avec l’infirmière coordinatrice et le médecin réanimateur par exemple) pour déterminer le rôle de chacun et connaître le niveau d’information des proches. Cet entretien s’inscrit également dans une démarche qualité, car c’est en débriefant une pratique soignante que l’on peut améliorer les entretiens. Bien que la grille de debriefing soit très exhaustive, avec 50 critères, l’objectif n’est pas de débriefer sur tous les paramètres : chaque coordination hospitalière retravaille la grille selon la problématique qui lui est propre.

L’objectif général de la grille de débriefing de l’entretien : réaliser un entretien de qualité

Mener un entretien de qualité, instaurer une relation de confiance et accepter la temporalité d’un proche bouleversé par le décès contribue à faire reculer le taux d’opposition. En ce sens, la grille de débriefing est un outil supplémentaire pour lutter contre l’élévation des taux d’opposition. Plus les coordinations hospitalières évaluent leurs pratiques, moins l’opposition au don est importante. Annoncer la mort et aborder le don d’organes est une étape essentielle de l’entretien et un moment délicat, qui peut être appréhendé avec anxiété par les coordinations. C’est pourquoi, la préparation de l’entretien est cruciale. Elle contribue à développer une posture d’excellence qui se joue à trois niveaux : une posture de garant de la loi, une posture de soignant intégrant l’empathie et la gestion des émotions et une posture de passeur qui permet au proche d’être dans la narration du souvenir et de comprendre que la vie, demain, se fera sans la personne décédée. Le taux de prélèvement est corrélé à la posture des professionnels de santé et des coordinations hospitalières.

Améliorer les pratiques professionnelles

Cette grille est utilisée différemment d’une coordination à l’autre et le but est qu’elle le soit dans une fourchette de 80 à 100 %. Certaines coordinations travaillent leur grille de briefing et ensuite la grille de debriefing. Cela permet de sécuriser les coordinations dans leurs propres pratiques. Par exemple, même si toutes n’utilisent pas complètement la grille, on note une amélioration dans le choix des mots. L’objectif est de former l’ensemble des médecins, internes, médecins réanimateurs à la préparation de l’entretien par le biais notamment de la simulation. L’intérêt est de renforcer le rôle d’expertise des coordinations dans l’abord des proches : il passe par la formation mais aussi par l’utilisation des grilles de debriefing.


Trois questions à Claudine Cauquil, Infirmière coordinatrice, Coordination Hospitalière des Prélèvements d'Organes et de Tissus, Hôpital du Pays d'Autan de Castres.

Quelle est l’approche de la coordination hospitalière de Castres sur la grille de débriefing ?

Nous sommes une petite coordination avec une faible activité PMOT. Afin de suivre les Règles de Bonnes Pratiques relatives à l’abord des proches et diminuer le stress de l’équipe à chaque procédure, nous avons vite compris que travailler sur des grilles de préparation et d’évaluation de l’entretien allait être très aidant pour nous. L’objectif est de le préparer au mieux afin d’avoir un abord plus serein et d’éviter les maladresses. Le but est d’aboutir à l’adhésion des proches pour le don en l’absence d’opposition manifestée par le défunt. L’équipe de la coordination, le réanimateur et l’IDE de réanimation participent à son élaboration. Chacun a un rôle bien défini. Préparer le dialogue en toute transparence, avec une sémantique choisie, pose un cadre rassurant, sécurise les soignants et crée un climat de confiance pour les proches.
La grille de débriefing suit la même logique que le briefing : c’est un travail d’équipe qui permet d’évaluer la qualité de notre pratique et de la remettre en question en toute humilité.

Comment la grille vous aide dans votre pratique ?

La préparation des entretiens et leur débriefing nous apportent beaucoup de sérénité et de sécurité. Cela contribue à être plus réceptif à la difficulté des proches à cheminer après le décès d’un être cher. La grille de débriefing contribue à améliorer notre accompagnement des familles endeuillées.

Qu’apporte la grille de débriefing à votre activité de tissus ?

Nous avons une activité de prélèvement de cornées en pleine croissance. Cette grille nous a permis d’aborder les proches par téléphone de manière plus fluide. Au départ nous pensions que la communication serait plus difficile qu’en présentiel, mais pas du tout ! Nous avons utilisé la même méthodologie et notre taux d’opposition est passé de 35% à 12%. Pour le prélèvement de cornées à visée scientifique et non thérapeutique, nous avons retravaillé, avec l’aide précieuse de notre binôme Sylvie Cazalot et Martine Chatelut, nos éléments de langage afin que les familles comprennent que la cornée de leur proche peut aider la « recherche médicale » ; on parle également plutôt de « don » que de « prélèvement ». Ces subtilités de langage, importantes pour les proches, nous ont permis de construire une trame de dialogue que chacun s’approprie par la suite avec ses mots. Nous avons adapté notre grille à la spécificité de notre activité.
C’est devenu un réflexe.


Trois questions à Sylvie Prieur et Marie André, Infirmières coordinatrices, et Lenny Ferrer, Infirmier coordinateur, Coordination Hospitalière des Prélèvements d'Organes et de Tissus du CHU Toulouse.

Avec quelle régularité utilisez-vous la grille de débriefing ?

Nous utilisons cette grille systématiquement, en essayant de faire un briefing avec le médecin avant l’entretien et nous remplissons la grille après l’entretien avec l’équipe médicale quand elle est disponible. Lorsque ce n’est pas le cas, ce sont les infirmières et les infirmiers de la coordination qui s’en chargent et nous faisons un débriefing aux médecins.
C’est un avantage de pouvoir s’appuyer sur des médecins qui ont été formés à l’abord des proches par l’Agence de la biomédecine, car conduire un entretien pour un don d’organes ou de tissus avec un proche du défunt ne s’improvise pas. En faisant un travail en binôme, en se répartissant les rôles relatifs à l’annonce de chacune des étapes aux proches, nous sommes mieux préparés. Par exemple, au moment du briefing, nous testons nos éléments de langage et notre expression non-verbale.

Existe-t-il des difficultés particulières inhérentes à l’entretien ?

Chaque situation a son lot de difficultés dans la mesure où les familles ne sont pas préparées de la même manière au décès d’un proche. Pour nous, le plus important dans ces moments-là, c’est de pouvoir donner des informations claires sans pour autant les submerger car leur état émotionnel ne leur permet pas de recevoir une multitude de données. Nous nous adaptons à la compréhension des familles et nous identifions les moments de pauses nécessaires pour les proches. En expliquant calmement, en proposant un temps de recueil entre l’annonce de la mort par le médecin de réanimation et le don, la famille fait son cheminement et ce temps est positif.

Comment la grille de débriefing vous aide dans votre pratique ?

Elle nous permet de prendre le temps avec les médecins et l’équipe paramédicale qui nous aident par leur vision complémentaire. Elle est l’occasion de retravailler les points où l’on pèche, ceux sur lesquels on peut s’améliorer, les oublis que nous aurions pu faire. Cette grille est un outil, un fil conducteur, qui permet de nous questionner sur nos pratiques. Et ainsi de les évaluer et de les perfectionner.

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